vendredi 2 mai 2014

DES ENFANTS ROM GUIDES SUR LE CHEMIN DE L'ECOLE

À la Belle de Mai, des enfants rom guidés sur le chemin de l'école
Dans le cadre du festival des cultures tsiganes Latcho Divano, une exposition a été présentée sur le thème du droit à l'éducation des enfants rom. A cette occasion, Marsactu est allé voir comment se déroulait leur scolarisation à Marseille. L'école Révolution de la Belle de Mai nous a ouvert ses portes.

E.C
Par la fenêtre ouverte, le brouhaha qui domine dans la salle de classe des CP-CE1 s'échappe à contre-courant du mince filet d'air frais. A l'école élémentaire Révolution, dans le quartier de la Belle de Mai, plusieurs enfants rom sont scolarisés, en conformité avec la loi qui oblige les écoles publiques à accepter toutes les demandes d'inscription.
La classe de l'instituteur Laurent Baldovino accueille quatre jeunes enfants, âgés entre 6 et 7 ans. Pour ce cours un peu particulier où les enfants doivent écrire une phrase sur leur semaine passée avec des poneys, Santiago, 9 ans, le grand-frère de Maria-Larissa, est venu prêter main forte aux plus jeunes. Tandis qu'il s'applique en appuyant sur son stylo, il raconte ses débuts difficiles, alors qu'il arrivait de Roumanie. Certains élèves lui jetaient à la figure qu'il fouillait dans les poubelles. "Au début je ne comprenais rien, on me disait des choses méchantes. Je voulais changer d'école." À ses côtés, Maria-Larissa prétend n'aimer "que son maître".
Le petit Renold, lui, vient d'Albanie. À seulement sept ans, il se souvient aussi de son arrivée, des débuts difficiles en France et de son intégration chaotique auprès des autres élèves, qu'il raconte avec ses mots d'enfant, désormais entouré de plusieurs camarades de jeu. "Parfois je veux changer d'école", lâche-t-il avec tout de même, un petit sourire en coin qui vient dédramatiser son propos. "Au sein de l'école, les propos racistes restent rares, éclaire Laurent Baldovino. Les enfants sont plutôt très bien intégrés. Mais il est arrivé qu'une écolière plus grande, Pamela, vienne nous voir en pleurs : certains lui avaient dit qu'elle fouillait les poubelles et que c'était une Roumaine, comme si c'était une insulte".
 Les situations diffèrent d'un enfant à l'autre. Le dénuement dans lesquels sont plongés certains constitue une entrave de plus à la scolarisation. Car si Renold bénéficie avec ses parents d'un logement en dur, Santiago et Maria-Larissa vivent dans une caravane à cinq, avec leurs parents et un petit frère. Ioana, 6 ans, habite dans le bidonville de Plombières. Cette petite fille espiègle montre fièrement ses longs cheveux bruns qui ont poussé depuis son arrivée où "ils étaient courts comme un garçon". L'instituteur explique que cette enfant vit dans une situation d'extrême précarité. "La maman qui ne parle pas français, vient toujours l'amener le matin et la rechercher. Un lien s'est créé avec elle" ajoute-t-il.
"Pas d'école, pas de tête"
A la sortie de l'école, plusieurs parents rom sont présents. Le père de Santiago et Maria-Larissa salue l'instituteur. "Je les accompagne tous les jours explique-t-il. Ils ont le droit d'aller à l'école comme tous les enfants, et c'est important qu'ils apprennent à lire et à écrire pour avoir un avenir... S'il n'y a pas d'école, il n'y a pas de tête". "Un jour, en 2012, reprend Laurent Baldovino,il y avait des menaces d'expulsion. Malgré cela, les enfants ont été envoyés à l'école par leurs parents, après un contrôle de police. Ils sont arrivés sans leur cartable et sans affaires, apeurés, mais ils sont venus".
Comme d'autres écoliers allophones (dont la langue maternelle n'est pas le français), les enfants roms participent en parallèle à une prise en charge spéciale par Anne Delmotte, enseignante en CLIN (classe d'initiation). A raison d'environ une heure et demie par jour, elle encadre des enfants ne parlant pas ou peu le français, et les Roms constituent une part importante de ses effectifs. "Au niveau assiduité, cela dépend des familles, analyse la prof. Il y a une dynamique assez fragile induite par les conditions de vie précaires. Lorsqu'un enfant vient, il entraîne souvent les autres enfants du même campement. Certains sont livrés à eux-même et viennent seulement quand ils ont envie, parce qu'ils se sentent trop en décalage... Pour d'autres, on sait que s'ils ne viennent pas, c'est qu'il y a vraiment un problème. C'est pour cela que nous travaillons en étroite relation avec les associations. L'école doit être un moment serein, où les enfants échappent en partie à leurs soucis."
Parmi les militants qui maintiennent un lien entre les familles et l'école, il y a notamment Jane Bouvier, à l'origine de l'exposition sur la scolarisation des enfants roms du festival Latcho Divano et membre du collectif de solidarité avec les Roms. Elle informe notamment les instituteurs lorsqu'un enfant est malade, ce qui arrive souvent par mauvais temps. Si depuis une dizaine d'années, aucun refus d'inscription d'enfant rom n'a été signalé à Marseille, Bernard Boi, formateur au Casnav d'Aix-Marseille (Centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage) explique que "le seul souci qui demeure, c'est lorsque des bidonvilles s'installent à proximité d'écoles déjà saturées en termes de places. Dans ce cas, la Ville peut proposer des écoles très éloignées du lieu de vie des enfants, et il devient impossible pour eux d'être scolarisés." Toutefois, dès la rentrée scolaire prochaine, un poste sera créé dans les quartiers Nord pour un enseignant itinérant, spécialisé dans la prise en charge des enfants Rom.

L'ancienne ministre déléguée chargée de la réussite scolaire George Pau-Langevin avait envoyé aux recteurs d'académie trois circulaires en septembre 2012. Il s'agissait de réaffirmer le principe d'égalité républicaine et cette obligation de scolarisation pour tous, quelle que soit la nationalité des enfants. L'école Révolution porte bien son nom, lorsque le respect de la loi semble parfois relever de la gageure.
Mars educ

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