Une tribune libre du Syndicat de la magistrature
le 26/04/2013
Le Syndicat de la
magistrature ce n’est pas seulement l’esprit potache du "mur des
cons". C’est aussi des magistrats qui réclament une autre politique
pénale. Tribune libre de Benoît Vandermaesen, délégué régional du syndicat en
Paca. Pour lui, la délinquance dans la région n’est pas une fatalité à laquelle
il faudrait se résoudre en regrettant l’âge d’or d’un monde sans violence qui
n’a jamais existé...
Constatant l’inefficacité de politiques
toujours plus répressives, tel le mauvais exemple américain où le nombre de
détenus, proportionnellement dix fois plus important qu’en France, n’en fait
pas un pays pacifié, les politiques préventives des pays scandinaves ou celles
supprimant les courtes peines d’emprisonnement, comme en Allemagne, obtiennent,
elles, de bons résultats. En France, la prison « sans barreaux » de
Casabianda en Corse pour les délinquants sexuels prévient mieux la récidive que
les établissements traditionnels.
A Marseille, la politique pénale en
matière de stupéfiants illustre les limites de la réponse judiciaire. La
« politique du chiffre » de Nicolas Sarkozy, combinée à la RGPP
réduisant le nombre de fonctionnaires, a privilégié l’interpellation de
trafiquants au pied des cités, déférés en « comparution immédiate » à
leur sortie de garde à vue, au détriment des longues enquêtes visant à
démanteler les réseaux. Rappelons que la loi de 1970 sur les stupéfiants punit
de dix ans de prison celui qui détient ou cède des stupéfiants, sans distinguer
la nature ou la quantité de produit. Les peines d’emprisonnement prononcées
sont de plus en plus lourdes sans entraîner de baisse du trafic, le « plan
de stup » étant immédiatement repris par d’autres.
L’imagination des trafiquants, et les
énormes profits générés, dont on a vu qu’il permettaient de corrompre ceux en
charge de les combattre, rendent illusoire la « guerre » revendiquée
par les pouvoirs publics, alors que l’abandon social de certains quartiers a
favorisé l’émergence de solidarité de quartiers que les trafiquants ont su
exploiter, obtenant par exemple des offices HLM des informations pour utiliser
comme « nourrice » les locataires en instance d’expulsion. Fort de ce
constat et de l’existence de drogues légales, alcool et tabac, dont la
mortalité est beaucoup plus importante, le Syndicat de la magistrature (SM)
propose la « légalisation contrôlée » du cannabis qui serait
distribué par une régie d’Etat, permettant de casser les trafics, contrôler le
taux de THC et faciliter la prise en charge sanitaire des toxicomanes.
De façon générale, le SM réclame une
véritable « décroissance pénale » face à la tentation de pénaliser
chaque comportement présumé déviant, selon l’axiome « 1 fait
divers = 1 loi nouvelle ». Il y a peu, le défaut de permis de
conduire était une contravention passible d’amende et sa correctionnalisation
n’a pas fait diminuer l’infraction. De même, les lois pénalisant le
rassemblement dans les halls d’immeuble ou le racolage passif n’ont aucun effet
sur la délinquance. A Marseille comme ailleurs, au-delà de la nécessité de
reconstituer le lien social en aidant le tissu associatif tout en étant
vigilant face au clientélisme, facteur de corruption, il faut des effectifs de
police en nombre suffisant, en tenue dans les quartiers et en police judiciaire
pour le travail d’enquête, ce que la vidéosurveillance ne pourra jamais remplacer.
L’institution judiciaire, dont le budget 2012 place la France en 40ème position sur 47 pays européens, doit bénéficier de moyens renforcés,
notamment en personnel, pour remplir son rôle de pilier de la démocratie et de
garant des libertés publiques, dont la sûreté à laquelle tout citoyen a droit.
Benoît Vandermaesen (Le RAVI )