mardi 26 juillet 2016

DAECH: NE PAS SOUS-ESTIMER LE CARACTERE POLITIQUE



THIERRY FABRE. Le regard de ce chercheur qui travaille depuis des années sur le monde méditerranéen sur la tentation de voir dans ce nouvel attentat le signe d’une guerre des religions.

« Ne pas sous-estimer le caractère politique »

ENTRETIEN

Thierry Fabre, essayiste et chercheur, ancien rédacteur en chef de la revue La pensée de midi et fondateur des Rencontres d’Averroès dont l’édition 2016 aura pour thème « Surmonter la faille ?… »
Suite à l’attentat dans une église, de nombreuses personnes cèdent à la tentation de parler de guerre de religions ? Est-ce opportun ?
Il fut un temps, dans le sillage de Samuel Huntington, où l’on parlait de « Guerre des civilisations », aujourd’hui après al Qaïda et l’internationale de la terreur Daech, nous devrions parler de guerre de religions ?
Ce serait très réducteur et sous-estimer le caractère politique de tels actes.
Les cibles, à Nice comme à Saint-Etienne du Rouvray, sont des symboles, le 14 juillet à Nice, au moment de la fête de la République, ce moment où nous sommes supposés tous nous rassembler, et à St-Etienne du Rouvray une Eglise catholique. L’objectif énoncé par Daech est clairement de provoquer la guerre civile dans un pays comme la France. La propagation de la violence et la guerre de tous contre tous. Les attentats provoquant des ripostes, des agressions en retour qui rendent la vie en commun impossible.
Cette guerre politique s’exprime dans un langage pseudo religieux, mais il faut faire bien attention de ne pas y succomber. Ce serait dévastateur et permettrait à Daech d’obtenir exactement ce qu’il cherche. Il y a une fragilité du politique, de notre démocratie dite représentative, et il est très important, comme nous y invite par exemple une figure telle que le pape François, de ne pas accuser indistinctement et de laisser proliférer une violence et une haine qui pourrait tout emporter sur son passage.
Nous sommes dans la faille, et si les choses continuent ainsi à ce rythme, bientôt dans le gouffre.
Une optique « guerrière » qui supposerait quels « adversaires » ?
Ce sont bien des actes de guerre, d’une nouvelle forme de guerre à laquelle il s’agit de répondre politiquement. Les « adversaires » et bien c’est Nous.
Mais de qui et par qui est composé ce « Nous » ? D’une identité pure ou de la diversité qui est la réalité de nos sociétés contemporaines ? J’ai été très étonné, après les attentats de Nice, que nous ne prenions pas la mesure qu’environ un tiers des personnes tuées sont de culture ou de religion musulmane. Elles composent ce Nous de la société française et sont des cibles comme les autres personnes tuées le 14 juillet à Nice. Ce n’est évidemment pas le cas lorsqu’une attaque cible une Eglise.
Ce qui importe, me semble-t-il, c’est de ne pas nous diviser, en communautés séparées, qui feraient blocs, mais de définir un possible monde commun, un bien commun qui permet de faire tenir ensemble la Cité. Or c’est justement le fondement du symbole de faire tenir ensemble, c’est pourquoi il est attaqué en priorité.
Une telle option ne mettrait-elle pas une croix sur les tentatives de réforme qui ont lieu au sein de l’islam qui seraient pourtant une des solutions pour un vivre ensemble apaisé ?
Ce qui est au-devant de la scène aujourd’hui c’est le djihadisme, le salafisme ou le wahhabisme qui nous imposent leurs catégories rétrogrades et leur lecture du monde rétrospective ou destructrice. Mais il est une toute autre lecture de l’islam qui existe, même si on en entend moins parler, que Jacques Berque comme Mohamed Arkoun appelaient « l’islam méditerranéen ».
C’est sur cette approche de l’islam que nous travaillons dans le cadre des rencontres d’Averroès et c’est autour de cet islam critique, ouvert, qu’il faut avancer.
Des réponses militaires et sécuritaires sont indispensables pour répondre aux attaques terroristes, mais cela ne suffira pas car « on n’arrête pas les idées avec des balles » mais avec d’autres idées, d’autres visions du monde, d’autres valeurs. C’est une chance donnée à la pensée critique, dans l’islam contemporain, qui peut nous permettre d’envisager l’après, au-delà de la terreur et du désastre qui nous assaillent aujourd’hui.
Angélique Schaller
La Marseillaise

mercredi 6 juillet 2016

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