BOUCHES-DU-RHÔNE
Des études désamorcent les
clichés sécuritaires Le 1er arrondissement, en particulier le secteur de
l’Opéra, arrive en tête sur la ville pour les vols simples contre les
particuliers dans les lieux publics, les violences physiques et les
vols avec violence. PHOTO ARCHIVES R.T.
Des
études désamorcent les clichés sécuritaires
Délinquance Une vaste enquête
commandée par la Ville de Marseille démontre que nous ne sommes pas plus en danger
ici qu’ailleurs.
Les rapports, pas encore rendus
publics, livrent une analyse sur la sécurité d’une ampleur inédite.
Loin de toute pseudo-analyse à
chaud générée par un fait divers, c’est une véritable radiographie de la
délinquance à Marseille qu’a réalisée Laurent Mucchielli et son équipe de sept
chercheurs. Le sociologue spécialiste des politiques de sécurité, a rendu cinq
rapports sur le sujet servant à établir le diagnostic local de sécurité (lire
les repères) commandé par la Ville de Marseille. Délinquance enregistrée par la
police nationale (PN), victimation et sentiment d’insécurité, délinquance
juvénile... des thèmes très approfondis, que nous avons pu consulter en
exclusivité.
Après six mois de travail, l’équipe
a rendu ses copies à la Ville fin février, sans que pour l’heure rien ne
transpire publiquement.
« Nous avons pu mener un
travail en profondeur où toutes les portes des institutions ont été ouvertes et
mener des entretiens avec les agents dans tous les commissariats », se
félicite Laurent Mucchielli, déjà auteur en 2013 d’un ouvrage sur la
délinquance et la criminalité à Marseille.
Le diagnostic, tout en ouvrant
des pistes, précise bien qu’elles « devront être comparées et complétées à
l’aide d’autres études menées sur les données produites par d’autres institutions
et organisations ». Ce qui n’empêche pas les auteurs de battre en brèche les
idées reçues.
« À tous égards, l’hypothèse
d’une exception marseillaise, du point de vue de la sécurité dans la vie
quotidienne, se trouve globalement démentie », concluent-ils dans le rapport sur
la victimation.
Même analyse dans le rapport
le plus volumineux (100 pages), celui sur la délinquance enregistrée par la PN
: « Si le verbe est haut et l’indiscipline peut être fréquente, l’atteinte à
l’intégrité corporelle reste l’exception et, lorsqu’elle survient, nous avons
vu elle n’est qu’exceptionnellement grave. »
Dans ce dernier document, près
de 70 000 infractions ont été passées au peigne fin. Il en ressort dix indicateurs
(différents types de vols, menaces, cambriolages, violences...).
Arrivent en tête les
dégradations de biens privés (21,7%). Au-delà de la pure donnée statistique, le
rapport se penche sur une analyse géographique des infractions mais aussi sur
leurs auteurs et victimes.
Six secteurs dits à risques ont
aussi été identifiés : Rabatau-le Rouet, Madrague-ville, Saint-Just, ZUP n°1/
Saint-Gabriel, 1er arrondissement et Belle-de-Mai.
« La majorité des Marseillais ne
sont pas apeurés »
L’étude met en exergue un lien
entre délinquance et précarité mais « il ressort que les auteurs comme les
victimes appartiennent pour environ 80% d’entre eux aux milieux sociaux les
plus précaires », pointent les auteurs, qui enfoncent le clou : « La précarité est
ainsi un amplificateur des conflits et des violences de proximité : conjugales
et intrafamiliales, scolaires, de voisinage. Quant aux violences envers les institutions,
elles sont également massivement le fait de ces populations précarisées. »
Autre rapport saillant, celui
sur le sentiment d’insécurité. Les chercheurs, via l’observatoire régional de
la délinquance et des contextes sociaux, ont croisé les statistiques de la
police et de la gendarmerie avec une enquête téléphonique auprès de 3 000
personnes entre janvier et mai 2014. Ainsi, un peu plus d’un Marseillais sur 2
(54,2%) se dit avoir été victime d’au moins un acte de délinquance mais ce taux
tombe à 44% pour les faits qui ont uniquement eu lieu à Marseille.
Mais « le premier résultat
majeur de l’enquête » constate que « la majorité des Marseillais ne sont pas
apeurés ». Seul un habitant sur cinq (19 %) déclare avoir « toujours » ou «
souvent » peur quand il sort le soir dans son propre quartier. Le rapport
souligne que l’origine des peurs ne relève pas d’une expérience de victimation
mais « de facteurs de vulnérabilités individuelles et sociales ». En clair, les
personnes les « plus fragiles dans leur vie générale se sentent ainsi davantage
menacées par un des risques de la vie sociale, quand bien même elles n’y
auraient pas été directement exposées ».
Florent de Corbier
BOUCHES-DU-RHÔNE
Des études désamorcent les
clichés sécuritaires Le 1er arrondissement, en particulier le secteur de
l’Opéra, arrive en tête sur la ville pour les vols simples contre les
particuliers dans les lieux publics, les
violences physiques et les
vols avec violence. PHOTO ARCHIVES R.T.
COMMENTAIRE
Florent de Corbier
La prévention comme arme fatale
Le diagnostic local de
sécurité sert peut-être simplement à caler le bureau de Caroline Pozmentier. Injoignable
hier, l’adjointe (LR) au maire en charge de la sécurité, aurait pu livrer son
analyse sur l’ensemble des rapports fournis il y a plus de six mois par Laurent
Mucchielli et son équipe. Un travail pourtant commandé par la Ville elle-même.
« C’est tout à leur honneur », reconnaît d’ailleurs le sociologue, connu
pour dénoncer le discours ultra-sécuritaire ambiant. Qui déchante quelque peu
aujourd’hui, n’ayant eu aucun retour par la municipalité, là où toutes les
autres institutions parties prenantes du diagnostic se sont toutes manifestées positivement.
Le travail mené sur la police
municipale (PM) n’est certainement pas étranger à ce silence, la Ville n’ayant finalement
pas voulu de ce rapport spécifique. Trop séditieux avec la politique menée par
la majorité de droite.
L’occasion de s’interroger sur
le rôle de cette police censée faire de la proximité, abandonnée par la
nationale. Face aux carences et aux coupes du ministère de l’Intérieur,
beaucoup de municipalités se substituent à l’État et augmentent les prérogatives
sécuritaires de la PM. L’armement de ces policiers est en l’une des dernières illustrations.
Les
Marseillais privilégient la prévention à la répression
À Marseille, environ 50 agents
sur les quelque 400 que compte la PM sont affectés au centre de surveillance
urbain derrière les caméras de vidéo-surveillance.
Autant d’effectifs en moins
sur le terrain pour aller au-devant des habitants, prendre le pouls et faire remonter
des informations. Bref un vrai rôle de prévention, là où la répression
d’urgence –certes nécessaire- prend le pas.
À ce titre, contrairement aux
idées reçues, les citoyens marseillais privilégient les réponses préventives à
celles répressives. Dans un des rapports, à la question de savoir où il faudrait
consacrer plus d’argent au problème de la délinquance, la lutte contre l’échec
scolaire arrive en tête de leurs choix, suivie par la prévention auprès des
jeunes et l’aide aux familles en difficulté.
Quand on voit l’état des
écoles marseillaises, difficile d’éviter la corrélation entre échec scolaire et
délinquance. De quoi, en effet, bousculer quelques certitudes politiques.
Méthodologie
L’étude s’inscrit dans le
cadre de la réalisation d’un Diagnostic local de sécurité (DLS) conté par la
Ville de Marseille à une équipe dirigée par le chercheur Laurent Mucchielli. Le
DLS est une obligation légale. 68 331 infractions ont été constatées sur la
période analysée, d’octobre 2014 à septembre 2015. Des données étudiées en lien
avec la préfecture de police et la direction départementale de la sécurité
publique.
Règlements de comptes
Le chercheur a volontairement
mis de côté cet aspect qui « se compte entre 15 et 20 cas chaque année »,
préférant travailler sur un critère quantitatif.
REPÈRES
Mercredi 28 septembre 2016 /
La Marseillaise
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