1* A
Marseille, son nom est mal orthographié sur la plaque apposée dans une
traverse à l'orthographe tout aussi approximative. photo ne
2- Dans sa ville natale à l'extérieur
de Belgrade, son buste tombe en morceaux dans un jardin. photo dr
3- Sa tombe se trouverait au cimetière
Saint-Pierre. photo dr
Dimitri
Koturovic, héros serbe des FTP-MOI tombé dans l'oubli
Résistance
C'était un chef de guerre antifasciste,
le technicien des FTP-MOI de
Provence.
Sa
plaque commémorative se délabre sur le mur arrière du lycée Le Châtelier.
Notre attention se porte parfois en marchant sur des plaques commémoratives de la Seconde Guerre mondiale quand elles sont encore lisibles. Des noms
d'inconnus gravés dans le marbre, à consonance étrangère parfois, qui surgissent pour nous dire que leur vie s'est arrêtée là, fauchée par des balles ennemies au coin de la rue.
La
plaque qui se délabre à l'angle du boulevard National et de la traverse du Moulin de la Villette dans
le 3e arrondissement, rend hommage à un
résistant FTP-MOI tombé dans l'oubli. Les Francs-tireurs et partisans, crées
fin 1941 par le parti communiste avec Charles Tillon, avaient une branche Main d'œuvre immigrée
(MOI). Le plus connu d'entre eux reste bien
sûr le poète arménien Missak Manouchian de l'Affiche rouge.
Dimitri Koturovic alias « Cot », mort à
33 ans en avril 1944, est un de ces nombreux étrangers qui ont payé de leur vie « Pour que
vive la France », rappelle sa plaque. Une lectrice, Renée Marie, qui avait « 17ans à la
Libération », nous a demandé de réveiller la mémoire de ce combattant oublié. «
Faites quelque chose,
ça méfait mal au cœur à chaque fois
Que je passe devant. La plaque a été à moitié brûlée par un feu de poubelle alors Que c'est le mur du
lycée Le
Châtelier. Depuis 26 ans que j 'habite le quartier, je ne l'ai jamais vue fleurie », s'émeut Renée qui se demande bien qui était ce Dimitri mal orthographié d'ailleurs « Koutourovici ».
« Il a eu un rôle très important »
« Cot, comme l'appelaient ses camarades, était un Yougoslave, ancien des Brigades internationales », nous révèle l'historien Grégoire Georges-Picot * qui contribue par ses recherches au sein du groupe Marat à montrer la contribution essentielle des étrangers dans la bataille de France.
Dimitri
Koturovic était un ouvrier serbe de la banlieue de Belgrade, engagé à 25 ans dans les Brigades internationales en Espagne et qui avait trouvé refuge en France après la défaite des Républicains. Interné dans différents camps, affecté dans un « Groupe de travailleurs étrangers », il s'en évade en 1942 pour rejoindre
Marseille, nous dit Grégoire Georges-Picot, « II est devenu le responsable technique inter régional des
FTP-MOI pour toute la Provence après
avoir fait partie des premiers groupes FTP-MOI à Marseille. C'est lui qui était en charge de
l'armement et des explosifs. Tout en participant
directement à beaucoup d'opérations,
il fut en même temps un des maitres d'œuvre de la réorganisation des FTP-MOI après les arrestations de l'été
1943 et le départ vers l'Italie de bon nombre de combattants italiens», ajoute l'historien.
« C'est Cot qui mit
sur pied les nouvelles équipes FTP-MOI dans le Var et dans les Alpes-Maritimes. Ainsi
des combattants aguerris comme Nechan Der Mardirossian ont quitté Marseille pour
former à Toulon et à Nice de nouvelles recrues. Un des anciens FTP-MOI
de Nice qui a à son actif les actions les plus retentissantes à Nice,
comme l'exécution du chef du PPF ou la bombe déposée dans un Soldatenkino à Nice, me disait de Cot que
c'était un "dur", qu'il l'avait tellement engueulé une fois pour ses hésitations qu'il en avait pleuré. Il a eu un rôle très important dans
l'organisation des FTP-MOI en Provence.
»
« Il se déguisait en officier nazi »
C'est la résistante Hélène Taich (1920-1999), une
des premières FTP-MOI de Marseille, se souvient Grégoire Georges-Picot, qui, avec l'Association nationale
des anciens combattants de la résistance, avait été à l'initiative de la pose de cette
plaque traverse du Moulin de la Villette, là où il habitait, là où il mourut en
avril 1944 en préparant une bombe.
Sa mémoire s'efface aussi en Serbie alors
même que Tito l'avait décoré à titre posthume de l'Ordre du héros national,
récompense réservée à ceux qui se sont
distingués par des actes de bravoure
exceptionnels. Une pouponnière de
Belgrade porte son nom ainsi qu'un groupe folklorique serbe
comme on le voit dans un documentaire de 2009 visible
sur Youtube intitulé La disparition
des héros, du réalisateur serbe Yvan
Mandic. « Cot » est décrit par un militant
communiste comme un combattant « sans
peur », qui « se déguisait en
officier nazi pour mener des actions et déjouer la sécurité de SS ». Il avait fait exploser un convoi ferroviaire allemand chargé de moteurs
d'avion et jeté une bombe dans un café plein d'officiers nazis à Marseille. « // a été honoré ici à la Libé ration
comme un véritable héros, un combattant
antifasciste. J'ai été sut pris de
voir comment il était tombé dans
l'oubli à la suite des changements
politiques et sociaux dans notre pays
et dans l'Europe de l'Est » nous confie
Yvan Mandic. Pour l'anecdote, il a découvert que Jean Paul Sartre, qui s'était rendu en 1960 en Yougoslavie, avait
visité l'usine où Dimitri Koturovic avait travaillé. « On m'a dit qu'ils avaient toujours son dossier d'embauché mais ils ne l'ont pas retrouvé... »
Dans
le documentaire, un vieux militant communiste soupire devant son buste en décrépitude dans un
jardin de Belgrade. « En 1977, nous nous
étions rendus à Marseille. Sa tombe se trouvait dans un très grand
cimetière, elle était fleurie. Ses camarades
de guerre, des Circassiens, en prenaient soin. »
David Coquille La Marseillaise
• *L'innocence et la ruse: des étrangers dans la Résistance en Provence (1940-1944). Editions Tirésias. 2011
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