lundi 12 septembre 2016

HEROS DE LA RESISTANCE TRAVERSE DU MOULIN DE LA VILLETTE TOMBE DANS L'OUBLI



1* A Marseille, son nom est mal orthographié sur la plaque apposée dans une traverse à l'orthographe tout aussi approximative. photo ne
2- Dans sa ville natale à l'extérieur de Belgrade, son buste tombe en morceaux dans un jardin. photo dr
3- Sa tombe se trouverait au cimetière Saint-Pierre. photo dr



Dimitri Koturovic, héros serbe des FTP-MOI tombé dans l'oubli

Résistance
C'était un chef de guerre an­tifasciste, le technicien des FTP-MOI de Provence.
Sa plaque commémorative se délabre sur le mur arrière du lycée Le Châtelier.
Notre attention se porte parfois en marchant sur des plaques commémoratives de la Seconde Guerre mondiale quand elles sont encore li­sibles. Des noms d'inconnus gravés dans le marbre, à consonance étran­gère parfois, qui surgissent pour nous dire que leur vie s'est arrêtée là, fauchée par des balles ennemies au coin de la rue.
La plaque qui se délabre à l'angle du boulevard National et de la traverse du Moulin de la Villette dans le 3e arrondissement, rend hommage à un résistant FTP-MOI tombé dans l'oubli. Les Francs-ti­reurs et partisans, crées fin 1941 par le parti communiste avec Charles Tillon, avaient une branche Main d'œuvre immigrée (MOI). Le plus connu d'entre eux reste bien sûr le poète arménien Missak Manouchian de l'Affiche rouge.
Dimitri Koturovic alias « Cot », mort à 33 ans en avril 1944, est un de ces nombreux étrangers qui ont payé de leur vie « Pour que vive la France », rap­pelle sa plaque. Une lectrice, Renée Ma­rie, qui avait « 17ans à la Libération », nous a demandé de réveiller la mé­moire de ce combattant oublié. « Faites quelque chose, ça méfait mal au cœur à chaque fois Que je passe devant. La plaque a été à moitié brûlée par un feu de poubelle alors Que c'est le mur du ly­cée Le Châtelier. Depuis 26 ans que j 'ha­bite le quartier, je ne l'ai jamais vue fleurie », s'émeut Renée qui se demande bien qui était ce Dimitri mal orthogra­phié d'ailleurs « Koutourovici ».
« Il a eu un rôle très important »
« Cot, comme l'appelaient ses ca­marades, était un Yougoslave, an­cien des Brigades internationales », nous révèle l'historien Grégoire Georges-Picot * qui contribue par ses recherches au sein du groupe Marat à montrer la contribution es­sentielle des étrangers dans la ba­taille de France.
Dimitri Koturovic était un ou­vrier serbe de la banlieue de Bel­grade, engagé à 25 ans dans les Bri­gades internationales en Espagne et qui avait trouvé refuge en France après la défaite des Républicains. In­terné dans différents camps, affec­té dans un « Groupe de travailleurs étrangers », il s'en évade en 1942 pour rejoindre Marseille, nous dit Grégoire Georges-Picot, « II est de­venu le responsable technique inter régional des FTP-MOI pour toute la Provence après avoir fait partie des premiers groupes FTP-MOI à Mar­seille. C'est lui qui était en charge de l'armement et des explosifs. Tout en participant directement à beaucoup d'opérations, il fut en même temps un des maitres d'œuvre de la réorganisation des FTP-MOI après les ar­restations de l'été 1943 et le départ vers l'Italie de bon nombre de com­battants italiens», ajoute l'historien. « C'est Cot qui mit sur pied les nou­velles équipes FTP-MOI dans le Var et dans les Alpes-Maritimes. Ain­si des combattants aguerris comme Nechan Der Mardirossian ont quit­té Marseille pour former à Toulon et à Nice de nouvelles recrues. Un des anciens FTP-MOI de Nice qui a à son actif les actions les plus reten­tissantes à Nice, comme l'exécution du chef du PPF ou la bombe déposée dans un Soldatenkino à Nice, me di­sait de Cot que c'était un "dur", qu'il l'avait tellement engueulé une fois pour ses hésitations qu'il en avait pleuré. Il a eu un rôle très important dans l'organisation des FTP-MOI en Provence. »
« Il se déguisait en officier nazi »
C'est la résistante Hélène Taich (1920-1999), une des premières FTP-MOI de Marseille, se souvient Gré­goire Georges-Picot, qui, avec l'As­sociation nationale des anciens com­battants de la résistance, avait été à l'initiative de la pose de cette plaque traverse du Moulin de la Villette, là où il habitait, là où il mourut en avril 1944 en préparant une bombe.
Sa mémoire s'efface aussi en Serbie alors même que Tito l'avait décoré à titre posthume de l'Ordre du héros national, récompense ré­servée à ceux qui se sont distingués par des actes de bravoure exception­nels. Une pouponnière de Belgrade porte son nom ainsi qu'un groupe folklorique serbe comme on le voit dans un documentaire de 2009 visible sur Youtube intitulé La disparition des héros, du réalisateur serbe Yvan Mandic. « Cot » est décrit par un militant communiste comme un combattant « sans peur », qui « se déguisait en officier nazi pour mener des actions et déjouer la sécurité de SS ». Il avait fait exploser un convoi ferroviaire allemand chargé de moteurs d'avion et jeté une bombe dans un café plein d'officiers nazis à Marseille. « // a été honoré ici à la Libé ration comme un véritable héros, un combattant antifasciste. J'ai été sut pris de voir comment il était tombé dans l'oubli à la suite des changements politiques et sociaux dans notre pays et dans l'Europe de l'Est » nous confie Yvan Mandic. Pour l'anecdote, il a découvert que Jean Paul Sartre, qui s'était rendu en 1960 en Yougoslavie, avait visité l'usine où Dimitri Koturovic avait travaillé. « On m'a dit qu'ils avaient toujours son dossier d'embauché mais ils ne l'ont pas retrouvé... »
Dans le documentaire, un vieux militant communiste soupire devant son buste en décrépitude dans un jardin de Belgrade. « En 1977, nous nous étions rendus à Marseille. Sa tombe se trouvait dans un très grand cimetière, elle était fleurie. Ses camarades de guerre, des Circassiens, en prenaient soin. »
David Coquille La Marseillaise
• *L'innocence et la ruse: des étran­gers dans la Résistance en Provence (1940-1944). Editions Tirésias. 2011

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