La loi ANI
« Nous sommes les cobayes d'une loi inventée par la gauche »
(Attention cette politique n’est pas une politique de gauche, cette loi ANI
est un cadeau pour le grand patronat. Le PCF avec le FRONT DE GAUCHE a lutté
contre; mais étiez-vous réellement informés par les médias
Les militants du 3ème ont distribué des tracts pour essayer de
vous informer)
«
Vous ne pouvez pas nous aider à passer chez Bourdin pour que les Français
sachent »
C'est ce qu'espère André Chassaigne. Le député du Puy-de-Dôme, président du
groupe Front de Gauche à l'Assemblée, qui a mené pendant des mois la fronde anti-Ani déposant vainement plus de cinq cents amendements,
reprend son bâton de pèlerin. Il entend mettre « au pied du mur Michel Sapin », faire de ce dossier « un exemple emblématique de l'Ani, porte ouverte à tous les abus
patronaux » et tient là sa revanche. L'usine Elba,
fleuron familial qui a compté jusqu'à 300 ouvriers avant d'être absorbé
inexorablement comme beaucoup de PME par les financiers au fil des
restructurations, se trouve sur sa circonscription. Et la situation de l'emploi
y est particulièrement alarmante. Le bassin, rural et enclavé, « dérouille ». À l'image de Thiers,
berceau de la coutellerie et bastion de la plasturgie à genoux, avec un taux de
chômage de plus de 11 %, très supérieur à la moyenne départementale.
« Cette décision à la veille des vacances frise l’indécence et
confirme de façon magistrale les atteintes sans précédent au droit du travail
que recèle cette loi », s'emporte le député. Il s'est fendu d'un courrier à
Michel Sapin et Arnaud Montebourg. Remonté comme jamais : « Contrairement aux engagements du candidat François Hollande, aucune
mesure législative n’a été prise pour mettre un terme aux licenciements
abusifs. Bien au contraire, le 16 mai dernier, lors du débat parlementaire sur
la proposition de loi des députés du groupe GDR visant à interdire les
licenciements boursiers et les suppressions d’emplois abusives, Sapin s'est réfugié
derrière le soi-disant bouclier de la loi de sécurisation de l’emploi pour
justifier son refus de faire adopter notre proposition de loi. On voit les
dégâts aujourd'hui. »
Pour les 64 salariés de la Monnerie-Le-Montel, petite commune de 2 000 âmes, cette annonce est un « énorme coup de massue ». Rien ne laissait présager une telle nouvelle.« On a travaillé comme des fous pour préparer la rentrée scolaire. Il y avait cinquante intérimaires depuis février. On venait de recevoir des chaussures de sécurité toutes neuves. Le directeur du site nous répétait que nous étions les meilleurs depuis que nous nous sommes recentrés sur la production de classeurs à anneaux, que le groupe allait investir. En 2011, je suis même allée en Angleterre pendant quinze jours pour apprendre à travailler sur de nouvelles machines et ensuite former mes collègues. »Assise dans un recoin à l'entrée de l'usine au milieu d'un petit groupe de salariés, Marie est inconsolable. Elle a « les jambes coupées » et cinquante ans, « l'âge où le voyant devient rouge pour retrouver un emploi ». « C'est comme si une bombe m'avait soufflée », articule-t-elle ce lundi 15 juillet.
Pour les 64 salariés de la Monnerie-Le-Montel, petite commune de 2 000 âmes, cette annonce est un « énorme coup de massue ». Rien ne laissait présager une telle nouvelle.« On a travaillé comme des fous pour préparer la rentrée scolaire. Il y avait cinquante intérimaires depuis février. On venait de recevoir des chaussures de sécurité toutes neuves. Le directeur du site nous répétait que nous étions les meilleurs depuis que nous nous sommes recentrés sur la production de classeurs à anneaux, que le groupe allait investir. En 2011, je suis même allée en Angleterre pendant quinze jours pour apprendre à travailler sur de nouvelles machines et ensuite former mes collègues. »Assise dans un recoin à l'entrée de l'usine au milieu d'un petit groupe de salariés, Marie est inconsolable. Elle a « les jambes coupées » et cinquante ans, « l'âge où le voyant devient rouge pour retrouver un emploi ». « C'est comme si une bombe m'avait soufflée », articule-t-elle ce lundi 15 juillet.
« Vous ne pouvez pas nous aider à passer chez Jean-Jacques Bourdin et
au 20 heures pour que les Français sachent que nous sommes les cobayes d'une
loi inventée par la gauche qui profite aux patrons voyous ? » demande très sérieusement sa collègue Véronique, qui a ressassé tout le
week-end « la trahison ». Elle est venue travailler ce lundi en se jurant : « c'est un mauvais rêve, c'est impossible de nous virer comme des
malpropres juste avant les vacances après nous avoir félicités pendant des
années pour la qualité de notre travail et la productivité du site ». Sa machine « montage classeur »tourne encore en 3X8.
Elle a voté Hollande, croyait « au socialisme » et n'ira « plus jamais voter puisque leurs
lois sont pires que celles de la droite ».
Eric, 46 ans, une compagne au RSA et une peur-panique de l'avenir © Rachida El Azzouzi |
« Et si Hamelin profitait des
congés pour nous piquer les machines ? » s'inquiète Danièle. Elle part à la retraite à l'automne, catastrophée à
l'idée de voir le rideau tomber sur cette usine ancrée dans le territoire
depuis 1906. « J'ai passé ma vie ici. J'avais
promis de repasser boire le café avec les camarades », dit-elle, le regard braqué sur le portail de l'immense domaine qui jouxte
le site. C'est la propriété des Chevaleriat, la famille qui a fondé cette
papeterie : «Ils sont écœurés devant ce saccage. » Danièle pense aux jeunes, aux quadras, majoritaires dans l'usine, à tous
ceux qui ont des crédits sur le dos.
Comme Jean-Luc, 34 ans. « Même si la dernière embauche
remonte à dix ans, on avait tout pour y croire. » Alors sa femme et lui ont fait construire il y a un an, emprunté sur 25 ans
et mis en route leur deuxième enfant. « Il va naître en
août dans ce merdier et c'est comme un rêve qui part en fumée », lâche-t-il. Depuis
neuf mois, il était chef d'équipe. Cela ne se voit pas sur sa fiche de paie
bloquée à 1 200 euros nets et au grade d'ouvrier qualifié alors qu'il
devrait être agent de maîtrise, mais c'était le sacrifice pour accéder à la
promotion. « Tout ça pour rien. »
« Je ne vais pas
dire à mon gosse : ''Papa n'a plus de boulot alors on ne part plus en
vacances." »
Jean-Luc,
coincé par les travaux de sa maison et la naissance de son deuxième enfant,
n'avait pas prévu de partir en vacances. Mais la plupart des collègues, si. « On a réservé des campings,
fait des acomptes. Je ne vais pas dire à mon gosse : “Papa n'a plus de
boulot alors on ne part plus en vacances, on reste à Thiers, ville
morte”. » Éric fond en
larmes. Il porte seul la charge de sa famille recomposée, sa compagne touche le
RSA. Et soudain, l'avenir le panique. Il a bien un CAP de boulanger mais il est
allergique à la farine. « Qu'est
ce que je vais devenir à 46 ans ? »
Quel que
soit l'âge, la question est sur toutes les lèvres, de la machine à café au mur
de palettes érigé à l'extérieur sur lequel les salariés ont déployé une
banderole noire où en lettres jaunes, on peut lire « Elba, 64 morts ». Comment se battre dans la torpeur de
l'été dans cette usine loin de tout, qui n'est pas un bastion de la lutte,
sachant que la nouvelle législation les entrave dans leurs possibilités de
recours devant la justice ? Comment faire du bruit, obtenir que les
discussions soient repoussées à septembre compte-tenu des vacances ?
Brûler
des palettes ? Faire grève ? Descendre dans la ville-préfecture à
Clermont-Ferrand mettre la pression sur les représentants de l'État ? Dire
aux voisins de ne plus acheter par solidarité de cahiers Super Conquérant, de
papiers à dessin Canson, de classeurs Bantex, de bloc-notes Oxford à l'heure où
les grandes surfaces s'apprêtent à recevoir la foule pour la rentrée des
classes ? C'était leur fierté d'ouvriers. Pousser le caddie au supermarché
et s'arrêter au rayon papeterie sans rien acheter, juste pour contempler le
fruit de leur travail sur les étals, se dire : « On sert à quelque chose, on
contribue au savoir, à l'éducation dans le monde entier. »
Benjamin, 29 ans: «Moi je suis ingénieur, je fais mes valises, je trouverai du boulot. Mais les collègues qui ont des familles?» |
Même les
syndicalistes, peu habitués à combattre des licenciements de cette taille, sont
perdus, surpris. Ils oscillent entre l'envie d'en découdre et le fatalisme,
l'envie de se contenter de négocier une bonne prime à la valise et celle
d'aller plus loin dans le rapport de forces. Rui Ribeiro, le délégué CFDT,
secrétaire du comité d'entreprise, maudit la nouvelle législation qui fait
d'eux « des
cobayes » : « C'est de la merde si Laurent Berger (Xle secrétaire général de la CFDT, signataire de l'Ani –
ndlr) m'avait demandé
mon avis. ». Avec Bouchaib Zaim-Sassi, le représentant FO et Arnaldo
Da Silva pour la CGT, ils sont suspendus au téléphone avec leur avocat,
Jean-Louis Borie.
Spécialiste
du droit social, rôdé aux PSE et au détricotage du droit du travail depuis
trente ans, il a suivi du début à la fin la naissance de l'Ani puis sa
transposition en loi et martèle : « Toutes
les batailles que l'on ne mène pas sont perdues. » La nouvelle législation restreint les
possibilités de recours en amont ? Il ne s'inquiète pas et fourbit ses
armes. « Il est trop tôt
pour l'heure tant que la première réunion n'a pas eu lieu pour agir, tant que
l'expert n'est pas entré en scène. Cela va se cristalliser en août et en
septembre lorsqu'on saura si l'expert mandaté par le CE aura ou non obtenu les
informations nécessaires de la part de la direction mais déjà, ouvrir une
procédure de ce type pendant les vacances constitue une entrave et nuit à une
information de qualité comme ne pas avoir cherché d'accord majoritaire et
préféré une décision unilatérale. »
Arnaldo Da Silva, délégué CGT: «Apprendre que ta boîte ferme à 15 jours des congés grâce à la nouvelle loi de la gauche dégoûte» |
En attendant, les salariés qui pensaient que « les licenciements
n'arrivaient qu'aux autres » se
sont mis en grève mardi 16 juillet « pour
une durée indéterminée », ont annoncé fièrement les syndicats. Ce
vendredi, ils ont interpellé la ministre de l'Artisanat, Sylvia Pinel, venue
visiter une coutellerie dans la montagne thiernoise. À la grande satisfaction
de Nicolas, « les
collègues commencent à se bouger et à réaliser que c'est pas en pleurant dans
son coin qu'on va maintenir nos droits ». Syndiqué à FO, il est le seul ouvrier
de l'usine à avoir manifesté deux fois contre l'Ani le printemps dernier. à
l’époque, tout le monde l'avait raillé : « Tu
as bien du temps et de l'argent à perdre pour aller manifester. »
Médiapart
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