lundi 3 février 2014

LE TAUX DE PAUVRETÉ EST DE 55¨% DANS LE 3ème ARRONDISSEMENT

La pauvreté dans les arrondissements de Paris, Lyon et Marseille

Pour la première fois, nous publions les taux de pauvreté des arrondissements des trois plus grandes villes de France. Il faut noter que bon nombre de ces arrondissements ont une population qui les classerait parmi les plus grandes communes de France. Leur étude en tant que telle est donc riche d’enseignements.
Le tout premier, c’est la situation spécifique de Marseille. La ville, qui comprend des arrondissements entiers très populaires au cœur même de la ville, est marquée par des taux de pauvreté supérieurs à 40 % . Le prix des logements n’a pas autant explosé que dans les deux autres métropoles, il y persiste un parc privé à prix relativement modéré. Dans le 3e arrondissement, nous évaluons le taux de pauvreté à 55 % : plus que Roubaix, commune qui arrive en première position selon le taux de pauvreté parmi les 100 plus grandes villes. Dans les arrondissements voisins du 1er et du 2e, autour du vieux port, le taux de pauvreté atteint 43 % et 44 %. Viennent ensuite les quartiers Nord (14e et 15e arrondissements), avec 42 et 43 %. Et encore, notre étude réalisée pour la région Paca [6] montrait que dans certains quartiers, le taux de pauvreté pouvait dépasser 75 %. A l’ouest de la ville en revanche, les 8e et 12e arrondissements connaissent des taux de pauvreté (9 et 10 %) similaires à ceux des arrondissements les plus riches de Lyon ou Paris.
A Paris et à Lyon, le taux de pauvreté par arrondissement ne dépasse pas 25 % (19e arrondissement parisien). Ces communes ont connu un processus de gentrification massif, notamment dans l’Est parisien. Dans les arrondissements les plus aisés, le taux se situe entre 7 % (7e arrondissement parisien) et 9 % (4e arrondissement lyonnais). Des territoires où le prix des loyers atteint des niveaux démesurés : hors habitat social ou très petites surfaces (chambres de bonne notamment), les plus pauvres ne peuvent avoir les ressources pour se loger dans le parc locatif privé.
Quand on y regarde de plus près, Lyon et Paris sont loin d’être uniquement peuplées de catégories aisées. Dans cinq arrondissements, les 8e et 9e de Lyon, les 18e, 19e et 20e de Paris, le taux de pauvreté dépasse 20 %, largement plus que la moyenne nationale de 14,3 %. On y compte des personnes seules, mais aussi des familles démunies, parfois logées dans un parc privé très dégradé.
L’écart entre Marseille, Paris et Lyon est moins grand qu’il n’y paraît. Il est en partie lié à un phénomène d’échelle d’observation. Les trois arrondissements parisiens les plus pauvres comptent chacun 200 000 habitants. Chacun de ces arrondissements représente plus d’habitants que les quatre arrondissements marseillais les plus pauvres regroupés. A l’intérieur des 18, 19 et 20e arrondissements de Paris en particulier (mais aussi le 13e par exemple), selon nos calculs – non publiés – le taux de pauvreté dépasserait 40 % dans plus d’une dizaine de quartiers. En taille de population, ces quartiers rassemblent l’équivalent d’un arrondissement de Marseille. A Lyon, on retrouve le même phénomène au sein des 8e et 9e arrondissement, avec des taux qui dépassent 30 voire 40 %, comme c’est le cas par exemple au quartier Balmont (un taux de pauvreté de 46 %). La singularité de Marseille réside surtout dans le fait que les populations démunies continuent à vivre au cœur même de la ville (encore qu’à Lyon le 1er arrondissement reste relativement populaire). La mixité des grandes métropoles est peut être plus importante qu’on ne le pense quand on s’y penche de plus près [7]. La géographie des revenus des grandes villes dessine des modèles qui restent différents, comme l’a montré d’ailleurs dans une thèse récente le démographe Aurélien Dasré [8].
Malgré la hausse des prix de l’immobilier, les grandes villes rassemblent encore une grande partie de la population pauvre et certains quartiers atteignent des niveaux de pauvreté qui dépassent de très loin la moyenne du pays. Ces éléments montrent une nouvelle fois, la nécessité d’une approche détaillée si l’on veut comprendre la réalité économique et sociale des territoires. Il faut pouvoir raisonner avec des échelles semblables si l’on veut échapper à l’illusion que peuvent créer des îlots de pauvreté, créés par le découpage utilisé. A l’échelle de la France, on peut par exemple faire apparaître de vastes territoires marqués par des taux de pauvreté élevés, mais qui, peu denses, ne regroupent qu’une population très faible. A l’échelle des grandes villes, une très forte densité peut faire disparaître des taux de pauvreté très forts localement, qui se cachent derrière des moyennes : si on y regarde de plus près, la pauvreté réapparaît.

Louis Maurin et Violaine Mazery.
                                                                                                                                               L'observatoire des inégalités

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